Un terrible ouragan, Wilson, le plus fort ayant jamais frappé les Fidjis, de force 5 (soit le maximum enregistré!), venait de passer sur les Fidjis et avaient ravagé une partie de l'archipel, notamment l'Est ainsi que le Nord Est de l'ile principale mais Suva avait été épargnée.
Du coup, je suis parti sur la visite d'une des iles les plus reculées des Fidjis, au sud, Kadavu, que même Tuula ni Peter n'avaient visitée. La meilleure amie de Tuula, Mairy Mairy, venait de là et elle s'est proposée de m'organiser un trip sur place. Je suis parti avec Jieni, une locale qui avait grandi la bas et qui bossait désormais pour Mairy Mairy a Suva. On est allé remplir 2 jerricanes de 20l d'essence, comme cadeau de bienvenu au village. La coutume veut qu'on amène du kava mais la région en est tellement fournie qu'ils ont plutôt opté pour du super!
On a pris le ferry de nuit. Il n'y en a qu'un par semaine donc en gros, soit vous restez une semaine, soit vous prenez l'avion qui n'est pas donné. Le ferry était hardcore. La salle pour les passagers était pleine a craquer, les gens se marchaient dessus et il y avait des enfants en bas âge de toute part. On s'est mis sur le pont puis le toit du pont, bien plus aéré bien que trempé. Au bout d'une petite heure de navigation, alors qu'il nous avait déjà fallu bien 3h avant que le bateau ne quitte le port, il a commencé a pleuvoir des cordes. On s'est réfugié sous les canots de sauvetage et j'ai réussi a me faire une place suffisamment grande pour y caler mon matelas gonflable et y dormir quelques heures.
Au petit matin, on approchait de Kadavu. Il y avait un 1er stop de prévu dans le village de Kavala. On s'y est arrêté 5h avant que le bateau ne reparte. Ce n'est qu'après que l'on m'a expliqué ce qui se passait: il n'y avait qu'une seule camionnette a l'intérieur du bateau qui était utilisée pour décharger tous les paquets et colis et les acheminer du port jusqu'en ville située a quelques kms de là. Et vu les tonnes de chargement que les gens ont empilées dans le bateau, on comprend pourquoi ça a mis autant de temps.
On a ensuite longé la cote jusqu'à apercevoir le mont Washington, le plus haut sommet de Kadavu, situé a 800m directement au dessus de la mer. On a enfin débarqué au port de Vunisea. On a mis 18h pour faire la traversée! Mais je n'étais pas au bout de mes peines car il restait encore un dernier tronçon avant de rejoindre le village où l'on était censé se poser. A Vunesia, Lesila, l'amie d'enfance de Jieni, qui se trouve être également la fille du chef du village de Kadavu (le village porte le même nom que l'ile!), est venue nous accueillir, plein de bonne humeur. On a tout de même attendu 3h a l'autre port de l'autre cote de l'ile que le cousin de Lesila se pointe pour pouvoir rejoindre le village en banana boat...fiji time comme ils disent ici! Une petite heure de plus de navigation et nous voila arrivés a bon port. "Bon port", c'est le bon terme car on n'etait pas encore tout a fait au village alors que la nuit tombait. Il restait encore une petite cote a gravir pour rejoindre le village qui se situait a 300m au dessus du niveau de la mer. Et vu que Jieni avait chargé la mule, je me suis demandé combien d'aller/retour il allait nous falloir pour tout ramener la haut. Mais heureusement, un petit comité d'accueil nous attendait au port et je n'ai juste eu a porter que mon sac. 23h au total pour arriver a destination. J'étais vanné mais ça valait la peine de vivre ces moments avec les locaux, de la même manière qu'eux. Ce n'est que comme ça que l'on apprécie vraiment leur vie et qu'on se fond dans leur quotidien.
lien vers la vidéo Suva to Kadavu
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J'ai été accueilli par Joe, sa femme et les 3 merveilleux enfants de Lesila. Ils étaient tous adorables. Ils m'ont préparé ma chambre: une grande pièce avec un double lit surmonté d'une moustiquaire: parfait!
Le lendemain, j'ai fait un petit tour du village. C'était la première fois qu'un blanc venait séjourner ici et les gens étaient super curieux. Tous plus gentils les uns que les autres, je me suis senti intégré dans la communauté instantanément. Je suis allé a la messe, pour fêter Pâques et ai ensuite été invité un peu partout où j'allais pour prendre le thé.
Il faisait chaud et on est allé de désaltérer dans un petit ruisseau caché dans le bush. On est en pleine nature ici et la végétation est reine. La foret tropicale est dense et on ne se balade jamais sans son coupe coupe.
Les habitants de Kadavu sont quasi auto-suffisant: ils ne consomment que des produits venant de leur jardin ainsi que des produits de la mer. Les seules choses qu'ils amènent de l'ile principale sont du savon, papier toilettes et couches pour bébés ainsi que de la farine, sucre et sel. De temps en temps, du riz mais ils s'en sortent très bien sans avec leur taro et bananes plantains. Quand ils vont sur l'ile principale faire des emplettes, ils amènent une cargaison de kava, cette racine qui est utilisée ici comme la "bière" locale quand elle est mélangée avec de l'eau. Le produit de la vente leurs sert de salaire, surtout qu'en ce moment, avec le cyclone Wilson qui a ravagé tout une parti de l'archipel, Kadavu était quasi le seul endroit qu'il restait où trouver du kava et du coup, les prix flambaient. Les effets du breuvage ne se font sentir qu'après une dizaine de bols mais ça dépend aussi de la taille de ces derniers que l'on peut demander en "high tide", "low tide" ou "tsunami" sachant qu'on est censé boire le bol "straight", c'est a dire d'une seule gorgée. Les effets sont assez pernicieux. Hormis le gout âpre de racine auquel on s'y fait vite, on ne sent pas grand chose tant que l'on est assis et le truc au Fidji, c'est qu'on est toujours assis quand on boit le kava. Mais une fois qu'on se lève, il faut se rappeler où l'on habite! Et je passe les envies d'aller se soulager qui ne viennent que bien après avoir consommé la boisson. J'ai du aller pisser près de 5 fois dans la nuit, autant vous dire que celle-ci n'a pas vraiment aidé a me reposer. Le pire étant le lendemain où l'on se sent tout amorphe, l'envie de ne rien faire si ce n'est de rester dans son lit. J'ai été invité a boire le kava plusieurs fois par jour. Il y a toujours le community hall où les hommes se regroupent en fin d'après midi et jusque tard dans la nuit pour y consommer le précieux breuvage. On sert le bol chacun son tour en commençant par l'homme qui donne le rythme du service et le dosage (plus c'est rapide et moins il y a d'eau et plus c'est fort), puis par ordre "d'importance", le pasteur, le chef du village, les hommes âgés, pour finir par les jeunes. Il y a toujours une bonne occasion de boire le kava et j'ai trouvé que c'était un formidable moyen de communication et de rassemblement. C'est l'endroit idéal où se rencontrer tous les soirs et c'est je pense aussi par ce biais que les membres de la communauté sont aussi soudés entre eux. En revanche, un peu dommage qu'ils ne mélangent pas vraiment les hommes et les femmes. J'ai eu a 2 reprises la chance de participer a une cérémonie de kava organisée par les femmes. La première pour une levée de fonds de la part des femmes du village pour un projet et la seconde des mamans des enfants de l'école primaire pour parler des problèmes qu'ils avaient a résoudre dans l'école. A chaque fois, on m'a attribué un collier de fleurs et de la poudre sur les joues puis je devais servir chacune de ces dames. L'une d'entre elles était vraiment drôle. Elle n'arrêtait pas de me dragouiller a haute voix et m'a même fait une petite danse, a 62 ans!
Une autre cérémonie avait été organisée par les jeunes de la communauté pour une nouvelle levée de fond. Par "jeunes", j'entend les "boys", les hommes entre 18 et 30ans, membre de l'équipe de rugby a 7, qui avaient besoin d'argent afin de payer leur nouvelle tenue de sport. J'ai même pu participer a l'un de leurs entraînements de rugby a 7 "touch", c'est a dire qu'on ne se tamponne pas mais des qu'on est touché, on rend le ballon a l'adversaire. Impossible d'en toucher un. Les hommes ne sont pas énormes ici a Kadavu mais tout en muscle et en explosivité. Je comprend mieux pourquoi les recruteurs français vont venir tant de fidjiens dans le Top 14 français.
On est parti dans le bush avec les filles et Taj, le frère de Jieni pour aller se baigner dans une cascade reculée au fin fond de la jungle. Il a fallu bien 3h pour atteindre le premier niveau avec un peu d'escalade sur des rochers super glissant le long de la rivière, une bonne dose de sueur dans cette moiteur étouffante et un coupe coupe aiguisé comme un sabre pour se fier un chemin a travers la dense végétation. On a même réussi a atteindre le second niveau grâce aux efforts de Taj qui a frayé un chemin a travers la pente abrupte de la 1ere cascade.
Hormis le bush, il y a bien sur aussi l'eau, qui entoure l'ile de Kadavu. Toute la cote Est de l'ile est ceinturée par un reef, l'Astrolabe Reef, le 4eme plus grand du monde, fameux pour sa faune aquatique. Tous les pêcheurs du village se réunissent le samedi pour une sortie groupée où ils utilisent ce qu'ils appellent la "dynamite locale". Il s'agit d'une racine d'arbre qui agit comme un somnifère vis a vis des poissons. Le groupe de pêcheurs forme un grand arc de cercle puis ils se resserrent prtit à petit en tapant dans l'eau pour que les poissons se regroupent tous au centre sur un corail au préalablement désigné. Ensuite, il n'y a plus qu'a utiliser la racine qu'ils tamponnent contre les parois du reef. Cette dernière émet alors un liquide qui se propage dans l'eau et endort le poisson. J'utilise le terme "endormir" car c'est comme ça que les gens du village me l'ont expliqué mais j'ai eu un autre son de cloche par la suite. Son utilisation est assez décriée car les scientifiques disent que cela tue et non endort, non seulement les gros poissons bon a manger, mais aussi les petits qui ne seront pas pêchés. Du coup, ils disent que ça extermine la vie sous-marine. Les locaux m'ont rétorqué que ça faisait des générations qu'ils pêchaient de la sorte et qu'il y a toujours eu du poisson a volonté ici. Et c'est vrai qu'on en a pêché! A la fin de la journée, on s'est partagé le butin a part égale et j'ai eu plus de 10 poissons que j'ai ramenés a la maison. Même si je n'avais pas fait grand chose, j'étais fier de moi et content de participer un peu au stock de nourriture familiale. Un des problèmes qu'ils ont en revanche a Kadavu, c'est qu'ils n'ont pas d'électricité. Du coup, pas de réfrigérateur pour garder au frais le poisson. Et vu les conditions humides ici, il faut tout manger dans les 24h. Du poisson, on s'en est gavé ce jour là!
Je me suis également fait une journée plongée avec le centre de plongée d'un des resorts de l'ile. Des bungalows assez luxueux et près d'une dizaine de touristes qui avait tous la même manière de voyager ici: ils venaient des Etats-Unis, du Canada et même d'Europe, étaient venus en avion directement a Vunisea sans même visiter Suva, puis le bateau du resort qui les attendait au port et direction le resort où ils restaient tout leur séjour sans en sortir pour ensuite repartir chez eux, sans croiser un seul local si ce n'est ceux qui bossaient pour le resort. Génial les aventures de voyage! Ils ont d'ailleurs halluciné quand ils m'ont vu arriver: débarqué en petit bateau avec des locaux pour demander de plonger avec eux. Quel audace!
La plongée fut vraiment bien malgré une petite visibilité. On est allé à l'extérieur du reef près de Vunisea sur le Manta Point. On y a croisé un groupe de raies mantas qui utilisaient les plantons locaux pour se nettoyer. La fameuse "cleaning station", déjà croisée plusieurs fois sur ma route lors de mes sorties plongées ces dernières années. Elles étaient majestueuses et le fait qu'elles soient en plus groupées a encore rajouter une dose de charme.
Je voulais absolument tester le reef et ai reussi à convaincre Joe, le chef du village, de m'emmener voir le chef du village voisin afin de demander l'autorisation de faire du snorkelling sur la partie du reef qui m'intéressait. En effet, comme le veulent les règles coutumières locales, les eaux a 2kms a la ronde des terres appartiennent au propriétaire des terres! On a du demander audience avant de faire toute une cérémonie pour remettre le kava au chef afin qu'il me laisse plonger. Du coup, alors qu'il fallait aller absolument sur le site a marée basse, soit le matin, on est arrivé en pleine marée haute. Ca tanguait énormément, normal vu que les vagues passaient au dessus du reef. La pauvre Lesila, qui nous a accompagné, était morte de peur a l'idée de tomber a l'eau dans une mer si agitée car elle ne savait pas nager et elle pleurait a chaudes larmes. Je suis quand même descendu voir a quoi ressemblait le reef mais ça n'a pas été chose aisée que de descendre en apnée alors qu'a la surface, la mer était super agitée et j'étais sans palme!
Une semaine s'est passée avant que je ne reprenne le bateau retour et c'est avec déchirement que j'ai quitté la nouvelle famille d'accueil. J'étais, d'un autre cote, content de revenir un peu a la civilisation et de poursuivre mon périple. Le retour a été un peu moins pénible qu'a l'aller vu qu'on n'avait pas d'autre stop sur Kadavu pour rejoindre Suva.
Ce fut une immersion vraiment intense et très enrichissante que de tester a la vie locale polynésienne de la sorte. Le seul bémol, c'est quand même extrêmement contraignant de devoir a chaque fois passer par les chefs de village des que vous devez traverser leurs terres. J'en veux pour exemple le mont Washington que je prévoyais de grimper sur mon dernier jour sur l'ile mais ai du y renoncer, faute de temps pour organiser la rencontre avec le chef du village situé en bas du mont.
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