Ayant renoncé a visiter Taveuni, pourtant la Mecque de la plongée fidjienne, car annoncée comme "flat", totalement rasée par le cyclone Winston que ce soit sur la partie hors de l'eau que sous l'eau, je me suis rabattu sur Rakiraki. Il s'agit du seul spot des fidjis où l'on peut pratiquer du kitesurf en louant du matos sur place. Mais auparavant, j'avais prévu de faire un stop dans un village a cote, que m'avait conseillé une des habitantes du village de Kadavu. Son frère y habitait et se proposait de m'héberger. Je n'ai pas tout de suite tilté quand elle m'a annoncé que je pouvais leurs amener une guitare comme cadeau de bienvenu, a la place du kava, son frère étant pasteur 7 days adventists. J'ai trouvé ca exageré et alors que Tuula s'est gentiment proposer de m'amener jusqu'a bon port, on a juste acheter du pain et du lait en poudre. Il a plu tout le trajet des tonnes d'eau. A la moitié du chemin, on a commencé a voir l'impact de Winston sur cette partie des Fidjis. Les palmiers étaient quasiment tous sans branche, que des troncs plantés là. La plupart des maisons était ravagées et pour certaines, il ne restait que la dalle de ciment au sol, tout le reste était parti! Il y avait des tentes unicef ou a drapeau chinois un peu partout alors que le cyclone avait frappé il y a déjà plus d'un mois de cela. Mon contact nous avait donné rendez vous a la jonction de la route principale et du commissariat de police du coin. Le problème, c'est qu'il ne restait plus rien du commissariat, totalement dévasté par l'ouragan. Encore heureux qu'ils nous ont vu passé et nous ont appelé. Il pleuvait encore des cordes quand on est arrivé et les locaux nous ont déconseillés de prendre la voiture. L'endroit n'avait pas l'air super safe et ni Tuula ni moi ne nous sentions a l'aise. Ils nous ont dit qu'il n'y en avait que pour 10' pour rejoindre la maison du pasteur et une demi heure pour le village. On a préféré sans tenir a la maison et alors qu'ils avaient compris que j'allais rester ici passer plusieurs jours, j'ai préféré leurs dire que j'étais un peu pressé et que je n'allais pas rester. L'endroit était vraiment trop désolé. Au bout de 5' de marche et alors qu'on était sous nos parapluies, il pleuvait vraiment trop fort et la route avait l'air convenable. J'ai fait demi tour pour aller chercher la voiture qui ne me paraissait pas trop en sécurité là où on l'avait garée. On a fait a peine quelques centaines de mètres de plus avec la voiture qu'une rivière nous barrait le chemin. Même le 4x4 qui faisait l'aller-retour en guide de bus ne la franchissait pas. J'ai garé la voiture là et on a fini a pied. On s'est mis en maillot de bain pour traverser la rivière et Tuula a du être soutenu par 2 jeunes du village pour traverser tant le courant était fort et alors qu'on avait de l'eau jusqu'a la taille. Le pâtée de maisons où ils habitaient étaient un massacre. Ils avaient assemblé tant bien que mal des tôles de ferraille en guise de murs et ça ressemblait plus a un camp de romanos qu'on peut voir aux abords du periphe parisien qu'a autre chose. On s'est senti désolé pour eux. C'était comme la plus grande des misères qui s'était abattue sur eux d'un seul coup sans prévenir. On a finalement changé d'avis et décidé d'aller voir le village. Il a tout d'abord fallu traverser un énorme pont bétonné qui était a moitié fracassé afin de franchir une rivière qui faisait bien 50 mètres de large. Au milieu de celui-ci, l'eau passait par dessus mais seulement de quelques centimètres et on a pu traverser sans trop de problème. Le village était un peu comme les images qu'on peut avoir des Balkans pendant la guerre. On eut l'impression qu'une armée lui était passée dessus. Les gens nous souriaient et avaient l'air content de voir des visiteurs. Pour ma part, je me sentais de moins en moins a l'aise face a toute cette misère et j'avais du mal a garder mes émotions. Ils nous ont fait rentrer dans une grande pièce d'une des rares maisons encore debout et qui avait l'air de servir de community hall et après les présentations, les jeunes du village ont commencé a jouer de la guitare et a chanter. Rien que du très classique pour les 7 adventists mais j'ai eu une montée de pression énorme alors que les chansons qu'ils jouaient avaient un air super triste. Je n'arrivais pas à contenir mes larmes devant une telle désolation et ai du sortir pour essayer de ne pas être vus par les locaux. Je me sentais debile d'avoir une telle faiblesse alors que c'était eux qui souffraient. En plus, ils avaient tous le sourire et les enfants étaient joyeux. Il faut dire que pour eux, la catastrophe s'était passée il y a près de 2 mois alors que pour moi, c'est comme si l'ouragan était passé la veille. Et je ne m'attendais pas du tout a trouver le village aussi abimé et me suis retrouvé pris complètement au dépourvu. J'en ai voulu a mon contact a Kadavu qui aurait pu me prévenir qu'ils avaient été touchés aussi durement, mais serais-je venu alors? J'étais aussi dégoûté par ma mesquinerie, moi qui n'avais apporté que quelques morceaux de pain et n'avais pas voulu acheter une guitare alors que ces gens n'avaient plus rien. Ce fut dur et j'ai mis un bon moment a m'en remettre. On a finalement fait le tour du village et les locaux nous ont présentés l'église qu'ils aimeraient retaper et notamment la toiture qui avait été complètement emportée. La note se montait a 20.000€ et je leurs ai promis que je les aiderai en les faisant apparaitre sur le blog. Malheureusement, mais ça, ce fut bien plus tard, je perdis la plupart de ces videos par la suite et leur contact avec.
Alors que je retrouvais peu a peu mes esprits, je me suis senti tout d'un coup un peu emprisonné, comme si j'avais été amené dans un piège. Il est vrai que les locaux étaient tout de même assez insistants sur le fait de leurs faire une donation alors que Tuula leurs avaient déjà donnés une belle somme. Je n'ai pas aimé ce sentiment et ai commencé a prendre du recul et a me méfier. La pluie venait enfin de s'arrêter et Tuula voulait absolument partir car elle ne voulait pas rouler de nuit et il y avait encore du chemin pour rejoindre Rakiraki (alors que mon contact m'avait d'ailleurs dit que le village était juste a coté, il était a près de 3/4 d'heure en voiture). C'est alors que les villageois nous ont dit qu'on risquait de ne pas pouvoir repasser le pont qui devait probablement être inondé. On s'est senti tous les 2 cette fois-ci attrapés et ça confirmait ma première impression. Tuula ne voulait rien savoir et s'en perdre le sourire, elle leurs a dit qu'elle allait tout de même essayer de traverser, on s'est pointé au pont et alors que Tuula allait passer, je l'ai retenue par le bras en lui disant de voir d'abord si les locaux arrivaient a le franchir car le niveau était sacrement monté. Le pont pouvait se désintégrer a n'importe quel moment et en son centre, on ne le voyait même plu tellement il était recouvert par les rapides. Un des jeunes a tenté de traverser mais a dû renoncer, le courant étant trop fort, on avait toutes les chances de se faire emporter. Le chef du village nous a dit de patienter une demi heure car la pluie s'était arrêtée et que ça prenait généralement une demi heure avant de redescendre, on a obtempéré et avons patienté au chaud. Il y avait un autre pasteur de Nadi qui était également venu rendre visite au village et était bloqué comme nous. On s'est repointé près du pont après 3/4 d'heure et l'eau avait encore monté de plus belle. On était bloqué.
Alors que les locaux commençaient a nous proposer de nous loger, Tuula n'a rien voulu savoir et s'est mise en tête de traverser a la nage! Je ne la prenais pas vraiment au sérieux jusqu'a que je la vois débarquée en maillot avec un local qui tenait une bouée dans la main. Elle avait vraiment l'intention de le faire...
Pour cela, il a fallu remonter a pied sur plusieurs centaines de mètres le long de la rivière a contre courant avant de tenter de traverser dans une diagonale suffisamment courte pour que l'on puisse atteindre l'autre cote avant d'arriver au pont qui paraissait comme une chute d'eau que vous n'aviez pas envie de traverser même en mode canyonning. Le pasteur s'était lui aussi laissé séduire par l'idée de traverser a la nage alors que lui ne savait même pas nager! Les locaux ont amené des grandes boites de crackers en plastique pour mettre nos affaires au sec. Le courant me paraissait quand même extrêmement fort et je trouvais ça assez risqué. Sous l'insistance de Tuula, un des jeunes est parti avec elle entourée d'une bouée et ont pris les devants. Je ne me sentais pas de la laisser partir de la sorte et après quelques secondes, je lui ai emboitée le pas mais en refusant la bouée malgré la forte insistance des locaux. Je me sentais plus a l'aise sans rien et j'ai eu raison. La traversée s'est avérée physique mais faisable. Même le pasteur a réussi a passer avec l'aide de 2 locaux!
En fait, Tuula avait aussi peur pour sa voiture que j'avais garé un peu près de la 1ere rivière. Non seulement elle ne sentait pas le fait d'y avoir laissé tous nos papiers et affaires de valeur dedans toute la nuit mais en plus, elle pensait qu'elle avait peut être été emportée par les flots. Quand on s'est pointé a la rivière, la voiture était heureusement encore là mais la rivière avait fortement grossi et paraissait aussi dangereuse que la précédente a traverser. Mais de toute façon, on n'allait pas rester planter là bloqués entre 2 flots et on a fini par traverser et s'extirper de ce piège dans lequel on s'était embarqué. Tuula était morte de rire d'avoir traversé de telles aventures et toujours de bon'e humeur: un sacré bout de femme!
J'ai eu un sentiment mitigé de cette expérience, d'un coté j'avais envi de tout leurs donner afin de pouvoir les aider au mieux et je ne me voyais pas ne rien faire. D'un autre, ça ressemblait tellement a un traquenard que je ne savais plus trop quoi penser. Et dans ces cas là, et comme malheureusement ça doit arriver a chaque fois, je n'ai rien fait et ai juste mis cette histoire sous le tapis, comme une nouvelle anecdote a raconter autour d'un feu ou d'une soirée mondaine. Triste a écrire mais c'est pourtant la réalité si on veut être lucide une seconde...
Tuula m'a déposé au quai près de Rakiraki d'où le bateau du proprio du kitecenter m'attendait alors qu'il s'était remis a pleuvoir des trombes. Il y avait des bateaux retournés de partout. Il y en avait même, et pas des petits, au bord de la route, a se demander comment ils avaient pu atterrir là alors que l'eau était a plusieurs centaines de mètres de là...
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