Vendredi soir, on est sorti avec Abou du cote de Trechville dans un tres bon maquis africain puis on est allé au Parker Place ecouté un concert de reggae. L'ambiance etait vraiment cool et il y avait un bon melange blancs/blacks. J'ai fait la rencontre d'un libanais Reda, dans la trentaine et apres quelques minutes de discussions, il me proposa d'aller a Assinie demain où il avait une maison. J'etais deja passé a Assinie Mafia la veille mais juste pour le coucher de soleil. Je sauta donc sur l'occasion et lui dit ok.
Reda m'avait dit qu'il quittait Abidjan vers 14h pour rejoindre Assinie mais qu'il n'avait plus de places dans sa voiture avec sa femme et ses enfants. Par ailleurs, Abou avait besoin de la voiture pour ses parents mais Diallo a tout de meme pu me deposer a la gare routiere de Treichville pour que je prenne un taxi brousse. Vu que les negociations pour organiser mon periple autour de la Coted'Ivoire m'ont mobilisé une bonne partie de la journée, je me suis retrouvé a Treichville qu'a 16:30 et n'ai trouvé que des minibus pour rejoindre Bassam dans un premier temps. Ce dernier etait quasi vide et le chauffeur roulait a 2 a l'heure pour essayer d'embarquer du monde sur la route. J'ai pris un taxi brousse de Bassam pour rejoindre une autre ville en milieu de parcours puis un nouveau taxi brousse qui me deposa a Assinie Terminal vers 18h. Là, Reda est venu me chercher en 4x4 pour aller dans sa maison située a quelques kms d'ici dans le secteur libanais. Une bonne mission pour venir ici mais quel bonheur quand j'ai decouvert l'endroit: la maison etait assez grande et le rez de chaussée etait tout ouvert sur la plage de sable. On pouvait voir l'ocean qui etait a a peine 50m. Il y avait une grande tablée a l'exterieure sur leur terrasse avec des parents et plein d'enfants partout. J'ai rapidement fait connaissance avec la femme de Reda, son frangin Hussein et sa femme, Ayman, un de leurs amis et grand fan de l'OM, accompagné de sa femme, Bibi, le seul celibataire du groupe, et d'autres amis a eux qui habitaient dans les maisons voisines. Il devait bien y avoir une quinzaine d'enfants qui couraient un peu partout, de 1 an a 13 ans. Les plus vieux jouaient dans le sable...avec un mini quad! C'est d'ailleurs le moyen de locomotion le plus utilisé ici sur la plage et il en passait bien un toutes les 5'. Hussein, le frere de Reda, etait un grand surfeur: il avait fini 2 fois dans les 3 1ers lors des 2 dernieres competitions locales de surf. Pour ne rien gater, il etait aussi negociant en vin et a fait couler du bon rosé bien frais a flot.
Je me suis assez vite integré dans le groupe. Ils etaient tous d'origne libanaise et nés en Cote d'Ivoire. Ils se sentaient d'ailleurs plus ivoirien que libanais. Reda m'a un peu raconté ses deboires lors des emeutes de 2009. Il avait fait construire une station essence et avait du s'endetter pour cela. Or lors de la crise, les emeutiers sont venus piller sa boutique et ils ont tout detruit, non sans voler le stock de carburants qu'il avait, soit l'equivalent de 100K€ en litres d'essence. Ils avaient ouvert le container où etait stocké le gasoil a la meule: Hussein se demande encore comment cela n'a pas explosé! La compagnie pétrolière s'était assis sur le stock de carburant perdu mais en revanche, la banque lui réclamait toujours le remboursement de son prêt et aucune assurance ne prenait en compte les dégâts occasionnés, la clause en petit en bas du contrat excluant les dégâts en cas "d'émeutes". Reda quand a lui était multi secteur: il avait ouvert une agence de voyage avec sa femme, livrait de l'essence a certaines stations et avait démarré un commerce de poissonnerie!
Ils louaient cette maison a 4 familles et y venaient tous les we. Chacun avait une grand chambre au rez de chaussée et il y avait un grand dortoir a l'étage pour les adolescents et amis de passage tel que moi.
On a eu des discussions vraiment intéressantes a propos du pays et on a un moment dévié sur le conflit ukrainien et les intérêts russes. Ils avaient tous un point de vue bien différents de nous occidentaux sur la chose et ils m'ont expliqué cela par ce qui se passait au Liban et en Syrie. Pour eux, le conflit syrien était une manipulation de l'Occident et surtout des Etats-Unis et d'Israel qui cherchaient a déstabiliser le pouvoir en place syrien qui était contre leurs intérêts. L'objectif était de casser le front Liban/Syrie/Iran. Ils m'ont dit que les révolutionnaires syriens n'étaient pas des gens du pays mais des djihadistes venus de tous les pays arabes et agissant pour le compte d'Al Qayda. Pour eux, la population syrienne était tout a fait derrière son président Bachar Al Hassad qui avait le soutien du Hesbollah. Depuis que le conflit révolutionnaire avait tourné au djihad, les forces occidentales n'avaient plus intérêt a soutenir la révolution et elles préféraient a la limite que Bachar reste en place plutôt que d'avoir un islamiste pro Al Queida au pouvoir.
Bibi m'expliqua un peu l'origine de ces conflits qui remontaient a la mort du prophète Mahomet où les musulmans se scindèrent en 2 groupes: les chiites suivaient les descendants directs du prophète alors que les sunnites suivaient les leaders de l'Islam de l'époque (un équivalent des apôtres de Jesus si on devait faire un parallèle). Les 2 branches avaient continué a se développer chacun dans leur coin jusqu'au jour où il y eut un conflit pour régler ce différent. D'après mes chers interlocuteurs, chiites de confession, c'est leur branche qui est légitime car Mahomet aurait demandé a ce que les croyants suivent ses descendants mais la réalité des chiffres était tout autre aujourd'hui: le monde chiite représentant seulement 20% alors que les sunnites étaient majoritaires avec 80% des pratiquants. A priori, les sunnites voudraient désormais convertir les chiites pour qu'il n'y ait plus qu'un seul monde musulman uni d'où les conflits actuels dans la région du moyen orient. Ils m'ont également fait tout un développement autour du Hesbollah qu'ils considéraient comme des héros libérateur du pays alors qu'Israel avait annexé une partie de leur territoire après la guerre des 6 jours. Ils étaient consternés que les états unis cherchent a mettre le Hesbollah sur la liste des organisations terroristes alors que pour eux, ils n'avaient jamais attaqué de civils mais seulement des militaires. Par rapport a la Syrie, ils pensaient que l'origine du conflit venait du gaz et que les US avaient besoin d'un passage dans cette ligne pour faire acheminer le gaz de ses alliés et pour fragiliser le monopole russe sur cette matière première. Le raisonnement se tenait et j'etais étonné qu'on entende jamais ce son de cloche dans nos médias français!
Refermons cette parenthèse et revenons a nos préoccupations matérielles du moment: la clim ne fonctionnait pas dans une des chambres et il y eut une petite prise de becs entre 2 familles sur le partage des 3 chambres restantes. Moi qui détestent dormir avec la clim, j'avais un peu de mal a comprendre un tel acharnement pour des choses si futiles.
Le lendemain, je partis me tester sur les grosses vagues du spot, tout d'abord sans planche aucune puis en bodyboard...jusqu'ici, tout alla bien mais quand je m'essaya au surf, ce fut une autre affaire. Alors que j'avais réussi sans trop de soucis a monter sur la planche a Bali il y a quelques mois de ça, ici, c'était une autre histoire. Il faut dire que les vagues cassaient très vite et que je n'avais pas le matos adéquat: les enfants m'avaient donné une longboard certes mais qui n'était pas si simple a manier. Si bien que j'avais toutes les peines du monde a passer le break. Je ne réussis pas a monter dessus et je lâcha l'affaire après une bonne heure de tentatives infructueuses non sans avoir pris quelques rouleaux en pleine face!
On se fit un super barbecue en début d'aprem et on reprit la route du retour seulement vers 17h: le pire moment pour partir. C'est un peu comme repartir de Deauville en plein après midi après un dimanche ensoleillé! Je pus me trouver une place dans le 4x4 d'Hussein et on dina ensemble chez lui des petites pizzas libanaises avec son autre frère et un de ses potes devant un match de foot de Ligue 1. Je me sentais presque devenu libanais ;-)
J'ai trouvé qu'il y avait beaucoup de ressemblances entre le peuple libanais et israélien bien qu'ils se vouent une haine sans borne: ils étaient tous les 2 assez communautaristes et soudés entre eux et avaient l'air d'avoir a peu près les mêmes centres d'intérêts et styles de vie. D'ailleurs ils m'ont tous invité a passer a Bayrouth, me disant que c'était une ville incroyable avec un dancefloor de folie, un peu a l'image de Tel Aviv. Ils me convainquirent a tel point que je décida de rajouter cette étape a mon prochain et dernier tour...
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